Analyse de la gestuelle de Stéphane le Foll

Je vous propose une analyse de la communication non-verbale de Monsieur Stéphane Le Foll (actuellement Ministre de l’agriculture et Porte-parole du Gouvernement).
L’extrait présenté ici correspond à l’échange entre le Ministre et Monsieur François Bayrou au cours de l’émission de débat politique présentée par David Pujadas : « Des paroles et des actes » (12 novembre 2015 - France 2) .

Après les 2 analyses de Messieurs François Hollande et Nicolas Sarkozy qui, dans les extraits étudiés, manquaient de force de conviction gestuelle et de congruence, je vous propose ici l'analyse détaillée du langage corporel du Porte parole du gouvernement. Dans ce court extrait, ce dernier a une communication particulièrement congruente (harmonie entre le verbal et le langage corporel) et convaincante.

Nota bene : l’analyse proposée se veut objective et ne saurait prendre un quelconque parti pris politique.

Voici la vidéo de 2 minutes :



En neurogestuelle, il est commun de distinguer 3 principaux profils gestuels. Monsieur Stéphane Le Foll est, conformément à cette typologie tripartite, un « conquérant ». Ces derniers sont de bons communicants, charismatiques, réussissant à établir un réel lien communicationnel avec leurs interlocuteurs.
Quel comportement gestuel peut alors être associé à ce profil ?
Généralement, les « conquérants » ont :

  • une gestuelle affirmée, fluide et congruente
  • un visage (en particulier les sourcils) et un regard mobiles
  • des mains très mobiles, que ce soit au niveau de la poitrine (en position ‘ascendante’) ou de la taille/table (en position ‘horizontale’)
  • les pouces levés
  • l’utilisation congruente et pertinente de gestes en 2D et 3D

Les 2 autres profils sont les « vigilants » et les « syntoniques » (néologisme)

Que nous révèle sa communication non-verbale en moins de 2 minutes ?

1 - Etablir et maintenir le lien avec son interlocuteur :

Les timecodes indiqués tout au long de cette analyse correspondent à la vidéo initiale de 2 minutes.

Les sourcils :

Monsieur Stéphane Le Foll lève 30 fois les sourcils pendant les 72 secondes durant lesquelles son visage est visible (20 levées de sourcils avec forte amplitude, et 14 avec une faible amplitude), soit environ toutes les 2 secondes. Le fait de lever ainsi les deux sourcils en même temps de façon très récurrente en situation de communication indique le souhait de créer du lien, de capter l’attention de son interlocuteur.

Bien évidemment, les deux sourcils peuvent se lever en même temps dans une réaction de surprise ou dubitative. Pour ce qui est du Ministre, il s'agit bien de levées de sourcils chroniques qui ne correspondent pas à des réactions ponctuelles, mais bien à une manière non-consciente et répétée d'être en lien avec son interlocuteur. Ce mouvement de sourcils récurrent est également un des éléments corporels caractéristiques des personnes appartenant au profil gestuel des "conquérants".


Les mains en V :

Les ‘mains en V’ au niveau de la table (en position dite "horizontale") indiquent que le locuteur est ‘celui qui sait’ tout en étant dans le lien avec son interlocuteur.

La notion d’être ‘celui qui sait’ semble logique puisque le Ministre répond à l'objection de Monsieur François Bayrou, donc pendant ces 2 minutes : il est détenteur d’arguments qu’il souhaite expliciter tout en restant cependant dans le lien.

Le Ministre a notamment les mains en V au niveau de la table à quatre reprises :

  • 00:49 : « que je connais dans l’agro-alimentaire»
  • 00:57 : « à cet impôt compétitivité emploi qui va représenter 15 milliards d’euros »
  • 01:04 : « payé par les entreprises »
  • 01:34 à 01:38 : « Je peux vous le dire… je suis sûr d’une chose, pour en parler avec des chefs d’entreprise, la première chose… »

De fait, au cours de ces deux minutes, Monsieur Stéphane Le Foll est en posture de détenir un certain savoir et une réponse précise, professionnelle, pertinente.

Il est donc ‘celui qui sait’ le temps de sa réponse et son corps, inconsciemment, se positionne ainsi. D'autant que les « conquérants » ont une indéniable confiance en eux et s'affirment naturellement.

2 - La congruence gestuelle :

La force de conviction des « conquérants » réside dans la congruence entre le verbal et la gestuelle. Monsieur Stéphane Le Foll nous en fait ici une belle démonstration dans cet extrait de 2 minutes.

Etant donné que le Ministre est en position assise, seuls 2 éléments sont parfaitement visibles, et de fait, analysables : son visage et ses mains. Nous allons donc nous concentrer sur la congruence de ces 2 éléments, et particulièrement les mains.

Les axes de têtes :

Nous avons déjà évoqué le visage avec la référence aux sourcils.

Notons que 27 axes de tête ont été identifiés avec pour chacun une signification. Nous pouvons déceler grâce à ces axes de tête : la critique, le refus/rejet, la soumission, la perplexité, la crainte/peur, la connivence/lien, l’agressivité, le lâcher-prise, etc.

Sans trop entrer dans le détail, relevons que Monsieur Stéphane Le Foll a principalement, au cours de ces 2 minutes, eu des axes de tête indiquant un état de vigilance, de supériorité (dans la lignée des ‘mains en V’ : il explique précisément les enjeux du CICE) et une fois d’agressivité (lorsqu’il évoque la Pacte de responsabilité civile).

Les mains en disent long :

Les « conquérants » parlent beaucoup avec les mains. Les mains apportent un certain dynamisme au discours et, surtout, elles dévoilent souvent les pensées et l'état d'esprit du locuteur. A deux reprises dans ce court extrait Monsieur Le Foll a les « mains jointes ascendantes »

Des éléments tranchants :
  • 00:35 (photo 1) : « le plus gros taux de chômage »
  • 01:11 (photo 2) : « le pacte de responsabilité avec le crédit d’impôts »
  • 01:48 (photo 3) : « voilà ce qui est le choix du redressement du pays »

La jonction des mains dans cette position ascendante indique que le ‘locuteur est celui qui sait et qu’il souhaite le dire d’une façon tranchée’. D’ailleurs je vous invite à remarquer que ses 2 mains jointes sont souvent accompagnées d’un mouvement ascendant et descendant, comme réellement un couperet qui tombe et accentue les propos tenus.

Des souhaits et des intentions :

Il est également intéressant de noter que, de 00:35 à 00:44, les 2 mains jointes s’écartent et saccadent les propos (les différents chômeurs touchés) de façon lente et appuyée.

La jonction des mains dans cette position ascendante indique que le ‘locuteur est celui qui sait et qu’il souhaite le dire d’une façon tranchée’. D’ailleurs je vous invite à remarquer que ses 2 mains jointes sont souvent accompagnées d’un mouvement ascendant et descendant, comme réellement un couperet qui tombe et accentue les propos tenus. Des souhaits et des intentions :


Ces mains écartées ainsi en mouvement sont communément qualifiées de mains en ‘autoroute’, et accentuent ainsi l’idée d'une volonté d’action, de mouvement rapide dans une direction précise ; plus précisément ‘le locuteur désigne ce qu’il souhaite accomplir, les propos tenus sont des intentions’.

Dans le cas précis de ces 10 secondes, la gestuelle du Ministre semble indiquer que ces 2 types de chômage correspondent concrètement à son objectif d’action.

01:28 : « c’est ça l’objectif, il est pas plus compliqué, c’est simple
et aujourd’hui après sa mise en œuvre : je suis sûr d’une chose….
».

L’idée d’objectif et d’action est évidente dans ces quelques secondes. Nous avons à nouveau un exemple de réelle congruence entre le verbal et la gestuelle.

La précision :

Les ’boucles de précision’ se font le plus souvent avec une seule main, et c’est effectivement le cas ici avec Monsieur Stéphane Le Foll. Cette boucle est constituée par le contact du pouce et de l’index avec, soit les 3 autres doigts de la main légèrement relevés par rapport à cette boucle, soit les 3 autres doigts positionnés dans l’alignement de l’index.

Cette boucle indique la volonté de marquer un point précis et d’accentuer dans la précision. Il est toujours intéressant de relever sur quels propos en particulier s’applique cette boucle.


Je vous invite d’ailleurs à relever la parfaite adéquation entre le verbal et le non-verbal au cours des extraits ci-dessous (l’intonation de la voix, les pauses sonores, la gestuelle) :

00:51 à 00:55 « demanderont une chose, de ne plus y toucher. A ce crédit d’impôt compétitivité emploi »

00:58 à 01:04 « s’y ajoute le pacte, de responsabilité qui lui est une baisse sur les charges payées par ... »

01:51 à 01:55 « en ne perdant jamais l'objectif qui est celui de l'emploi »

Avec ce geste, réitéré plusieurs fois dans un extrait aussi court, Monsieur Stéphane Le Foll affirme la précision de son propos et, de fait, sa force de persuasion renforcée par une congruence générale.

Le moi et la collectivité :

Les mains de Monsieur Stéphane Le Foll continuent de parler dans ce court extrait et à nous dévoiler des éléments de son état d'esprit. Nous évoquerons cette fois-ci rapidement la gestuelle relative à ’soi’ et celle ayant trait à la ’collectivité’. Toujours avec une même congruence, à la fois efficace et naturelle, il manie les deux gestuelles avec pertinence, des intonations et pauses sonores accompagnant parfaitement le verbal.

Lorsque l’on évoque un élément nous concernant personnellement, ou que nous parlons de nous, de nos opinions, etc. : il est courant de constater que nos deux mains ou une seule se dirige(nt) vers notre plexus solaire ou le haut de notre poitrine :


La collectivité est quant à elle plutôt représentée avec l’ensemble des doigts collés ensemble, à nouveau soit avec une seule main ou avec les deux mains, avec le pouce en contact avec la pulpe du majeur.


Dès le premier micro-extrait, notons que le Porte-parole du Gouvernement utilise tout d’abord le geste relatif à lui (00:18 à 00:21) : « c’était pour redonner de la compétitivité et en même temps tenir compte de l’emploi dans les entreprises ». Il est intéressant de noter que dans ce début d’extrait, il ne parle pas directement de lui. Ce geste non-conscient et naturel, qu’il effectue à ce moment précis, semble expliciter à quel point il se sent concerné par ce pacte et/ou qu’il a lui-même été personnellement impliqué dans la création ou la mise en place de ce projet visant à relancer la compétitivité.

Dans un second temps, le Ministre met en geste la notion relative à la "collectivité" (00:23 à 00:27) : « Celles qui avaient le droit à plus d’emplois que celles qui avaient moins d’emplois ».

Nous retrouvons à nouveau une évidente congruence puisqu’il s’agit précisément des entreprises.

00:16 à 00:27 « c’était pour redonner de la compétitivité et en même temps tenir compte de l’emploi dans les entreprises. Celles qui avaient le droit à plus d’emplois que celles qui avaient moins d’emplois »

Plus rapidement pour les deux derniers extraits, Monsieur Stéphane le Foll utilise à nouveau ce geste explicitant le « moi » de façon parfaitement adéquate :

00:46 à 00:49 les entreprises que je connais dans l’agroalimentaire »

01:34 à 01:37 « je suis sûr d’une chose, pour en avoir discuté avec les chefs d’entreprises »

Une 3e dimension au discours :

Pour finir l’analyse de ce rapide extrait de moins de 2 minutes, nous attirons votre attention sur un dernier élément gestuel naturellement utilisé par les orateurs plutôt charismatiques. En effet, étant particulièrement à l'aise avec leur discours et avec l'exercice même de la prise de parole : le corps naturellement et de façon non-consciente fait des gestes en 3D.

00:15 : Geste 3D – Réduction « qui est réduit » 00:16 : Geste 3D – Globalisation « en fonction de la masse salariale »

00:31 : Geste 3D – Graduation « sur ces 2 fois et demi le SMIC »

00:42 : Geste 3D – Globalisation « dans l’ensemble de l'industrie»

00:56 : Geste 3D – Globalisation « qui va représenter plus de 15 milliards d’euros »

Ces gestes en 3D sont rapides, mais cette rapidité d’exécution n’enlève rien à leur impact.

L’utilisation de cette 3ème dimension (la gestuelle dans l’espace) est révélatrice d’une force de conviction naturelle et spontanée, mais surtout du fait que l’interlocuteur vit pleinement ses propos, et est parfaitement convaincu et souhaite les exprimer avec force et clarté.

Nous avons grâce à cette utilisation récurrente de gestes en 3D dans un extrait aussi court un bel exemple d’authenticité et de congruence.

Enfin, le Porte-parole du Gouvernement utilise un geste en 2D (gestuelle dans l’espace mais à plat) lorsqu’il évoque simplement un laps de temps, une frise temporelle :

01:45 : Geste 2D – Frise temporelle : « jusqu’en 2017 »

En conclusion :

Dans ce court extrait de moins de 2 minutes, Monsieur Stéphane Le Foll offre une parfaite démonstration de congruence entre son discours et sa communication non verbale.

Une parfaite maîtrise de ces 2 aspects indissociables de la communication optimise l'impact de ses propos et dévoile son intention de convaincre, d'être percutant et de générer de la confiance auprès des Français.

Le charisme naturel du Porte-parole du Gouvernement met en exergue la communication non verbale de Monsieur François Bayrou qui, quant à lui, manque de mobilité gestuelle et a les mains sous la table à la fin de la vidéo.