Analyse de la communication non-verbale de M. Nicolas SARKOZY

Mis en examen dans la nuit du mardi 30 juin au mercredi 1er juillet, notamment pour corruption et trafic d’influence, Monsieur Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue pendant 15 heures.

Le 2 juillet 2014, il s’adresse aux Français dans une interview exclusive TF1/Europe 1 menée par deux journalistes : Messieurs Gilles Bouleau et Jean-Pierre Elkabbach

Monsieur Nicolas Sarkozy souhaitait ainsi s’exprimer face aux Français afin d’expliquer les raisons de sa mise en examen, son contexte ainsi que son déroulement. Il avait fait le choix, pendant deux ans, de se tenir officiellement en retrait des médias et de ne pas faire d’interventions publiques.

Nous vous proposons d’analyser son langage corporel dans le cadre de cet extrait de 10 minutes :


Nota bene : l’analyse proposée se veut objective et ne saurait prendre un quelconque parti pris politique.

1 – « Arguendo » (locution latine : « pour en discuter ») :

Rappelons que cette interview a été organisée à la demande de Monsieur Nicolas Sarkozy. Il est donc évident que ce dernier avait une réelle volonté de communiquer un certain nombre d’informations et de justifications concernant ses 15 heures de garde à vue ; que nous retrouvons de façon très évidente tout au long de cette dizaine de minutes.

Nous retrouvons ce désir d’expression par sa gestuelle :

Position d’intérêt et d’ascendance :

Il est durant la majorité de l’interview en position « intérêt », c’est-à-dire à l’avant-centre de la chaise : significatif d’un souhait probant de participer à l’échange, d’un désir de s’exprimer.


Il est intéressant également de noter que la plupart de ses gestes sont en position dite « ascendante » (au niveau de sa poitrine ou de sa tête). En effet, Monsieur Sarkozy dans sa volonté de justification, d’explicitation des évènements récents se positionne en « ascendant » car c’est bien lui qui les a vécus et se présente aux Français pour dire sa vérité et son propre ressenti.




Cette gestuelle des mains fait écho à certains mouvements de tête également en « ascendant ».


Son verbatim (discours) se veut précis et factuel, et bien évidemment cela se traduit également dans sa gestuelle. C’est donc de façon non-consciente qu’il utilise à 8 fois les « pinces de précision » : il s’agit d’une pince effectuée avec l’index et l’index soit avec les autres doigts en position d’ouverture (tendus) ou fermés au même niveau de la pince. Ce geste fréquent chez les personnages publics en situation de discours ou de débat met en exergue le fait que cette « pince de précision » est un geste semi-conscient en congruence avec son intentionnel besoin communicationnel avec des mots prononcés factuellement précis.


Pour confirmer sa volonté de s’exprimer face aux Français, Monsieur Nicolas Sarkozy fait à 4 reprises un geste de la main explicitant clairement son souhait de ne pas être interrompu lorsqu’il parle. En effet, il est conscient que le temps de cet entretien est compté et qu’il lui reste des éléments à démontrer et à dévoiler aux téléspectateurs. Ce geste de la main dénote une réelle impatience, voire un agacement face aux interruptions des deux journalistes faisant écho à sa posture générale plutôt « ascendante » (positionnement des mains et axe de tête ascendante) que nous avons analysé précédemment.






2 - Éléments prégnants d’attaque :

Toujours dans ce souhait fort et récurrent chez lui de vouloir présenter sa version face aux Français dans un temps imparti, Monsieur Nicolas Sarkozy assène ses arguments avec force, voire avec une agressivité parfaitement visible dans son langage corporel.

L’ « épée de Lagardère » :

Pour commencer, l’ancien Président de la République parle essentiellement avec la main droite, ce qui dénote de façon prégnante un état de contrôle et d’analyse dans le discours ainsi que de vigilance. Il pointe donc à 11 reprises Messieurs Bouleau et Elkabbach avec l’index droit. Ce geste mi-conscient est communément nommé : l’épée de Lagardère. Cet index dirigé vers ses 2 interlocuteurs traduit une posture d’attaque, confirmée ici par un verbatim très direct voire agressif.


Cette agressivité est plus perceptible encore avec le mouvement parfaitement non-conscient de sa lèvre supérieure. En effet, sa lèvre supérieure se contracte rapidement à 6 moments précis. Cette réaction labiale non-consciente est un signe patent d’agressivité récurrent le concernant.

En gras et souligné, le verbatim prononcé au moment même de la réaction labiale non-consciente.

00:50 > « Que les conversations qui sont les miennes avec mon avocat soient écoutées et diffusées en violation de tout secret de l’instruction »

03:57 > « tout au long de votre double quinquennat, vous n’avez cessé d’affaiblir l’autorité judiciaire »

06:28 > « Imaginez qu’à l’époque où je fus Président de la République, Monsieur François Hollande ait fait l’objet des mêmes écoutes »

07:12 > « Il y a une instrumentalisation de la Justice, les choses sont claires, Madame Taubira, Garde des Sceaux, sur le plateau de… »

08:39 > « Le Directeur des services informatiques de l’Elysée a été licencié, au motif a-t-il dit qu’il refusait d’analyser le disque dur de mes ordinateurs. ».

09:58 (double sursaut de la lèvre) > « Dans l’affaire dite Karachi, Monsieur Elkabbach, dix ans d’enquête ».

3 - Stress, contrôle et vigilance :

De nombreux éléments gestuels traduisent un état de stress, de contrôle et de vigilance, et ce, tout au long de cet extrait. En effet, Monsieur Nicolas Sarkozy comme nous l’avons évoqué précédemment s’exprime, comme la plupart des hommes politiques, en grande majorité avec la main droite qui est un indice d’état de vigilance et de contrôle du discours.

Donc, il ne déroge pas à la règle de la majorité gestuelle chronique des personnalités publiques, mais l’ancien Président de la République va plus loin dans le degré de stress et de vigilance engrammé dans sa gestuelle.

Réactions au niveau de la bouche :

Tout d’abord relevons un élément gestuel récurrent et particulièrement répétitif en général et plus particulièrement ici. En effet, l’état de son stress est visible au niveau de la bouche avec des « étirements de le bouche » ; et ce, en plus de la réaction non-consciente de la lèvre supérieure. Que cette bouche soit ouverte ou fermée (avec toutefois une dominance légère d’étirement avec la bouche semi-ouverte) : ces étirements ne sont pas à corréler avec la prononciation de mots, ils sont bien indépendants. D’ailleurs, la plupart s’effectuent lors de pauses sonores.

Voici un exemple avec 2 vidéos prises à quelques secondes d’intervalle correspondant aux toutes premières secondes de l’extrait, où nous pouvons relever 2 étirements de la bouche à la suite sans verbatim, puis la seconde vidéo avec 2 autres étirements bouche fermée également au moment de pauses sonores :

Soit au total plus d’une cinquantaine d’étirements de la bouche en grande majorité lors de pauses sonores. Cette réaction répétitive au niveau de la bouche indique clairement un état de stress et de contrôle des propos énoncés.

03:57 > « tout au long de votre double quinquennat, vous n’avez cessé d’affaiblir l’autorité judiciaire »

En voici quelques exemples en photo :

- bouche semi-ouverte :


- lèvres closes :


Le fait que cette réaction non-consciente soit aussi présente tout au long de cet extrait traduit un état de stress et de désir de contrôle du discours. Avec, notons-le un certain agacement et une certaine impatience dans les étirements de la bouche avec les lèvres closes au moment où les journalistes posent leurs questions, explicitant ainsi comme nous l’avons évoqué dans la première partie de cette analyse : un souhait patent de convaincre les téléspectateurs de son innocence. Or force est de reconnaître que cette réaction répétitive pourrait être interprétée par les Français comme étant de l’agacement ou un manque de maîtrise personnelle, tout le contraire de son intention initiale et consciente.

Micro démangeaisons nasales :

Monsieur Nicolas Sarkozy est, et c’est assez logique, dans un état de vigilance tant au niveau des propos prononcés (contrôle du verbatim et stress corrélé) que du contenu des interventions des journalistes et de leurs réactions face à ses réponses et propos.

En effet, il est intéressant de relever qu’au cours de cet extrait de 10 minutes, l’ancien Président de la République se micro-démange deux fois l’aile de sa narine droite.

Voici les 2 vidéos correspondantes :

03:57 > « tout au long de votre double quinquennat, vous n’avez cessé d’affaiblir l’autorité judiciaire »


Cette micro démangeaison explicite un décalage « entre ce que je constate et ce que je ressens ». Le plus souvent les microdémangeaisons sont pré-verbales (quelques secondes) et sont non-conscientes à 80% (20% des microdémangeaisons étant d’ordre organique donc conscientes : bouton, cheveux chatouillant le visage, réaction dermique, etc.).

Cet autocontact à ce point précis du nez met en exergue un décalage entre 2 réalités : la sienne et celle qu’il a constaté.

Remarque : ou, et ce n’est pas le cas, cette microdémangeaison peut exprimer un décalage entre ce que voit concrètement la personne (réaction de son interlocuteur, etc.) et ce que la personne ressent. Une personne faisant cet autocontact peut être surprise d’une expression de doute sur le visage de son interlocuteur alors que ses propos lui semblent clairs et limpides.

Pour revenir à notre analyse, dans ce cas précis le décalage est explicité quelque secondes plus tard dans le verbatim de Monsieur Nicolas Sarkozy. En effet, la première microdémangeaison correspond à son questionnement sur la raison du choix surprenant de l’avoir convoqué à 2 heures du matin ; et la seconde à nouveau un questionnement sur la raison du choix de ces 2 magistrates appartenant précisément au Syndicat de la Magistrature.

Ces micro-démangeaisons non-conscientes (80%) correspondent à une autocensure. Le corps dira alors tout haut ce que pense intérieurement le locuteur. Dans cet extrait, cet autocontact est suivi d’un verbatim exprimant concrètement le dit décalage ; mais notons qu’entre le moment où l’idée est créée et son expression finale quelques secondes se sont écoulées, mettant en évidence une nouvelle fois la notion de contrôle du discours ainsi que de la vigilance octroyée à chaque mot.

Nous ne doutons pas de la préparation de cet entretien en amont (préparation minutieuse des réponses) surtout dans un contexte de procédure judiciaire ; avec rappelons-le son désir de donner sa propre version des faits et de ce qu’il a subit durant cette nuit et surtout de convaincre les Français de son innocence dans ce dossier.

N’oublions pas également qu’une pré-campagne va bientôt être lancée par Monsieur Nicolas Sarkozy officiellement quelques semaines plus tard : le 19 septembre suivant.

Il y aurait encore bien d’autres éléments à relever dans cet extrait; nous avons fait le choix de ne relever que certains éléments récurrents et de ne pas trop entrer dans le détail.