Analyse de la communication non verbale de M. François Hollande

Présentation de ses voeux le 31 décembre 2012

Le lundi 31 décembre 2012, François Hollande, élu quelques mois auparavant Président de la République, se plie pour la première fois à l’exercice très attendu des vœux présidentiels.

Dans son édition du mercredi 2 janvier, Libération révèle que le président de la République a bien fait de privilégier un format enregistré plutôt que de s’adresser aux Français en direct pour leur souhaiter ses vœux de bonne année. En effet, le quotidien rapporte que, lors de sa première tentative d’allocution, « une porte claque malencontreusement dans le fond de la salle des fêtes de l’Élysée ». Cela le contraint à recommencer une deuxième prise, pendant laquelle il « bredouille ». Las, la troisième ne sera pas la bonne, puisqu’il préfère « repatouiller » son texte avant de réussir, in fine, à formuler ses vœux aux Français.

Il aurait été préjudiciable pour le chef de l’État de ne pas soigner cette prise de parole toujours attendue par une grande partie de la population. Ce n’est donc pas une surprise d’apprendre que François Hollande s’est investi dans la préparation de ses premiers vœux, par exemple en visionnant certains de ses prédécesseurs à l’œuvre, comme a pu l’indiquer la presse.

Depuis longtemps maintenant, l’image est une de ses préoccupations montantes. Son discours était annoncé synthétique et optimiste afin de « donner de la force aux messages » et « pour que la forme ne prenne pas le dessus sur le fond ». Cette grande prudence est sans doute liée au fait que son conseiller en communication est Claude Sérillon : un journaliste à la longue expérience médiatique.

A-t-il réussi à « donner de la force aux messages » ? Et finalement, le fond a-t-il réussi à prendre le dessus sur la forme ?

Nota bene : l’analyse proposée se veut objective et ne saurait prendre un quelconque parti-pris politique.

Comment les Français ont-ils perçus les premiers vœux du président ?

La réponse ne se fait pas attendre, selon un sondage BVA * :
  • 38% des personnes interrogées ont trouvé le chef de l’Etat « pas vraiment convaincant »
  • 25% « pas du tout convaincant »
soit un total de 63% des téléspectateurs qui n’ont pas trouvé François Hollande convaincant

* : (enquête réalisée auprès d’un échantillon de Français de 1.220 personnes, représentatif de la population française, âgés de 18 ans et plus, recrutés par téléphone et interrogés par Internet les 3 et 4 janvier.)

Analysons le langage corporel de notre Président. Il nous donne de nombreuses indications sur le fait qu’en dépit de ses efforts et de sa stratégie communicationnelle, il n’ait pas réussi à convaincre une majorité de français.

Notre analyse de ces 8 minutes est strictement orientée sur la communication non-verbale du Président, avec pour objectif d’apporter des hypothèses pouvant expliquer le résultat de ce sondage.

Pour ceux qui n’ont pas eu l’opportunité de visionner les vœux du Président, voici la vidéo :


Vigilance et contrôle :

Comme nous l’avons indiqué dans l’introduction de notre analyse, François Hollande contrôle de plus en plus son image. Citons quelques exemples :

  • il utilise presque exclusivement sa main droite;
  • son oeil dominant pendant tout son discours est son oeil droit;
  • son axe de tête est appelé un axe ‘sagittal’ droit, lui aussi signe de contrôle et de vigilance;
  • il se tient à plusieurs reprises à son pupitre.

Micro expressions et fuites émotionnelles :

Il est intéressant de relever de nombreuses micro-expressions et des fuites émotionnelles dans le langage corporel de ces personnes en contrôle. Et François Hollande dans cette présentation de vœux ne déroge pas à la règle.

Citons quelques exemples :

Lèvre inférieure droite tombante

La lèvre inférieure droite tombante : signifiant une peur liée à l’extérieur, ici ce serait plutôt la marque d’un stress généré par cet exercice des vœux. Rappelons que ce sont ses premiers vœux et que le Président était en difficulté dans les sondages fin décembre


Sourires asymétriques et crispés, et langue de délectation

Les sourires sont assez rares tout au long des 8 minutes (l’exercice des vœux étant des plus sérieux, cela ne semble pas étonnant). Les sourires sont toutefois crispés, voire de circonstance :


La capture suivante montre un exemple de sourire asymétrique qui signifie le plus souvent, et dans ce cas précis, un sentiment de mépris : sur la phrase « cette marche en avant (langue de délectation qui sort à 02:29) ne s’est pas faite sans soubresaut (mépris) à 02:31 »


Ceci est annoncé par une langue qui sort rapidement, appelée ‘langue de délectation’ : lorsque nous ressentons une grande fierté dans nos propos :


Cette phrase semble avoir un sens singulier pour le Président : pourquoi cette micro expression de mépris et de délectation. Dans l’écriture de cette phrase, peut-être une fierté à avoir personnellement trouver cette formulation, ou une référence personnelle à un autre homme politique ? Un élément présent tout au long des vœux de notre Président est un stress qu’il tente bien évidemment de gérer mais que son corps dévoile à chaque instant.

Deux exemples particuliers et omniprésents :

La lèvre inférieure tombante et crispation du bas de la mâchoire :

Cette lèvre inférieure tombante laisse apparaître les dents du bas de François Hollande, caractéristique à nouveau d’une peur liée à l’extérieur, dans ce cas précis : le stress de l’allocution et de son contexte.




Les yeux – les Sampakus :

François Hollande a, de façon répétée, les yeux (trop) grands ouverts, laissant apparaître le blanc au-dessus de l’oeil. Cette micro-expression est appelée Sampaku, manifestation d’une peur à nouveau liée à l’extérieur et d’un stress difficilement dissimulable par le corps. Le corps ne peut mentir. Et tout au long de ces 8 minutes, il ne cesse d’exprimer à chaque instant le stress dans lequel est notre président.



Certains gestes de notre président sont totalement congruents avec son discours.

Citons deux exemples de gestes cohérents avec son discours.

Quand le geste joue ‘collectif’ :

En effet, à plusieurs reprises dans la présentation des vœux de François Hollande (toujours de la main droite signe de vigilance et contrôle), nous retrouvons le geste caractéristique de l’expression de la collectivité, du fameux ‘être ensemble’. Le geste en question correspond à la réunion de ses doigts ensemble et souvent tournés vers le locuteur.
Relevons la cohérence entre le discours et le geste au travers de quelques exemples :



nota bene : François Hollande utilise très souvent ce geste afin de juste accentuer son discours. Ce qui pourrait prêter à confusion, mais très classique.

Peut-être pourrions-nous conseiller au Président de réserver ce geste à la notion du ‘nous’ et de l’expression de la collectivité. Et de se servir d’autres gestes plus adéquats à l’accentuation de son discours:

  • au lieu de relier tous ses doigts ensemble : ne relier que le pouce et l’index et garder les 3 autres doigts libres (former une sorte de rond avec le pouce et l’index). Ce geste est spontanément et inconsciemment utilisé par de nombreux orateurs souhaitant parler d’un élément avec une grande précision (souvent des chiffres, date, lors d’une citation avec les mots exacts, etc.).
  • accentuer son discours avec de préférence la main ouverte et souple, la paume tournée vers le haut.


Quand le geste met sur les ‘rails’ :

Un second geste est totalement congruent avec son discours : lorsque François Hollande positionne ses deux mains parallèlement et avec un mouvement simulant un prolongement. Nous pourrions faire ce geste en souhaitant mimer le mouvement d’une autoroute, d’une voie de chemin de fer, etc. Bref, un mouvement volontaire vers…

Et c’est très exactement ce qu’explicite le discours de notre Président tout au long de ces 8 minutes, et nous retrouvons souvent ce geste dans les discours politiques empreints d’une volonté de motiver, de mimer un mouvement fort (et souvent collectif) vers…


Ce même geste (avec la même interprétation) est possible avec une seule main. Ici bien évidemment François Hollande utilise la main droite, toujours (main caractéristique de la vigilance et du contrôle).



Le corps dit parfois le contraire de notre discours :

Quand le corps dit NON :

A plusieurs reprises, mais nous n’en retiendrons que 3 dans cette analyse, François Hollande parle de ‘confiance en la France‘, de ‘conviction‘, des ‘valeurs de la France‘, en d’autres termes d’éléments très positifs et fédérateurs. Mais son corps nous dit autre chose… Je vous invite à observer son mouvement de tête dans les 3 vidéos suivantes :


Quand le corps fait l’autruche :

Dans la vidéo suivante, vous pourrez observer François Hollande parler de « Compétitivité », de « performance » et d’ « ambition ». A nouveau, je vous invite à observer son mouvement de tête, et en particulier le positionnement du cou et de la tête :


Ce sont des mouvements et des micro-mouvements inconscients pour celui qui les fait, mais également inconscients pour les téléspectateurs ‘récepteurs’ de ces gestes. Par contre, il est essentiel de souligner qu’il y a indéniablement un impact (inconscient de fait) sur le ressenti général que le téléspectateur aura sur l’ensemble de l’allocution.

La non congruence entre le verbal et le corporel interroge sur l’authenticité entre le dit et le pensé, donc sur la force de conviction de l’orateur, ici notre Président. Ce décalage peut, c’est notre hypothèse, expliquer en grande partie que 63% des français n’aient pas été convaincus par les vœux de François Hollande.

Au delà de ces mouvements, expressions corporelles et micro-expressions, il y a également des éléments de l’allocution du Président qui semblent avoir été préalablement orchestrés par ses conseillers en communication, et qui aboutissent, de fait, à des gestes trop forts, décalés, voire même incongrus. François Hollande accorde une importance croissante à l’image, il est donc parfaitement logique que certains gestes et attitudes aient été « collés » à l’allocution.

Les conseillers de François Hollande sont-ils allés jusqu’à indiquer les gestes sur le prompteur ? L’exercice de ces premiers vœux tant attendus est particulièrement délicat et générateur d’un stress important qui, comme nous l’avons explicité, s’exprime spontanément et de façon quasi permanente à travers son corps.



Des gestes saccadés et « martelants »

Certes, les gestes servent à accentuer le discours et à l’animer. Or, lorsque nous regardons attentivement ceux du Président, nous avons une impression de gestes ‘plaqués’ au discours… Des gestes trop rigides, trop secs. Le plus souvent, François Hollande accentue exagérément les mots du discours mais s’y ajoute en même temps des gestes saccadés. Cette double mise en exergue, tant par le discours que par le geste, pourraient être ressenti comme une tentative maladroite de ‘marteler’ son discours, ses idées.

Je vous invite à visionner ces 4 petites vidéos :

Cette impression de non-authenticité dans la gestuelle « accentuative » se retrouve dans un autre registre, plus délicat, celui de l’expression des émotions.

La question revient : les conseillers de François Hollande sont-ils allés jusqu’à indiquer les gestes « à faire » sur le prompteur ?

L’authenticité émotionnelle

A trois moments dans ces vœux, François Hollande passe en moins d’une seconde d’une émotion à l’autre. Je vous invite dans les petites vidéos suivantes à observer le positionnement de ses épaules (affaissées quand émotion négative, et inversement quand l’émotion est positive).

Dans la première vidéo, il passe d’une émotion positive, gaie à une tristesse :

et inversement pour les 2 suivantes :



Il me semble délicat de croire en l’authenticité d’émotions exprimées lorsqu’elles sont si facilement transposables de l’une à l’autre en moins d’une seconde. A la lumière des différents éléments corporels (la non-congruence ente ses gestes et son discours, le constat du passage d’une émotion à l’autre en moins d’une seconde, les gestes trop saccadés et sur-joués, etc.) il semble difficile d’être totalement convaincu par l’ensemble du discours du chef de l’Etat. C’est ce que confirme le sondage BVA: 63 % des français n’ont en effet, pas été convaincus.

A nouveau, il s’agit d’un exercice très attendu et, de fait, générateur d’un stress considérable pour François Hollande. Ce que son corps n’a pas pu dissimuler…Le corps dit tout haut ce que nous pensons tout bas ! Il semble en effet que ces vœux aient été particulièrement préparés : chaque mot a été minutieusement choisi, chaque geste savamment posé, et chaque grande émotion stratégiquement prévue. Que reste-t-il de l’authenticité, de la cohérence entre le discours et le langage corporel du Président ?

Une majorité des français n’ont pas, à la suite de ces vœux, été convaincus par l’authenticité et la pertinence générale de son allocution. Rappelons-le : Son discours était annoncé synthétique et optimiste afin de « donner de la force aux messages » et « pour que la forme ne prenne pas le dessus sur le fond ». Qu’en est-il finalement ? La forme prend dans ce cas précis, et de façon inconsciente (car la perception des gestes par les téléspectateurs est inconsciente). Mais le ressenti majoritaire ne s’est pas fait attendre. « Donner de la force aux messages » sans prendre en compte le non-verbal est une entreprise périlleuse.

Le langage corporel est souvent galvaudé et envahi de clichés et de stéréotypes. Une approche fine, basée sur les dernières avancées de la neuroscience aurait permis à Notre Président de pallier ces décalages et ces maladresses gestuelles gestuelles dans sa communication non-verbale.

Il y aurait encore bien d’autres éléments à relever dans les vœux du Président; nous avons tenté d’aller à l’essentiel et de ne pas trop entrer dans le détail.